S’il y a une chose que Marie-Pierre Dubé ne semble pas craindre, ce sont bien les défis. Malgré un talent naturel pour les mathématiques, la directrice du Centre de pharmacogénomique Beaulieu-Saucier de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) n’a pas hésité, il y a 20 ans, à choisir une discipline des sciences de la santé : la génétique. « J’ai eu un véritable coup de foudre pour ce domaine vers l’âge de 17 ans, alors que j’étudiais en Oregon, où j’ai vécu avec mon père, qui était ingénieur électrique, pendant un peu plus de deux ans. La rigueur et la constance des lois de la génétique m’ont beaucoup interpellée », raconte celle qui est aussi professeure agrégée au Département de médecine ainsi qu’au Département de médecine sociale et préventive, en plus d’être membre accréditée des départements de pharmacologie, de biochimie et du programme de bio-informatique de l’Université de Montréal.
Loin de s’estomper avec le temps, cet amour l’a poussée à poursuivre ses études en génétique à l’Université McGill, puis à faire le saut dans la Ville Reine au Women’s College et University of Toronto pour un postdoctorat en santé publique, avec une spécialisation en épidémiologie génétique. La chercheuse, qui est née à Sherbrooke, mais a passé la majeure partie de sa jeunesse à Montréal, a ensuite été embauchée par une firme pharmaceutique de Vancouver où elle a pu, pendant quatre ans, mettre à profit son expertise en pharmacogénomique, une approche qui vise à mieux soigner en resserrant l’efficacité et l’innocuité des médicaments selon le profil génétique des patients.
Si nous pouvons cibler une population qui répond mieux à un médicament donné, nous pourrons offrir des soins plus efficaces et personnalisés plutôt que de fournir le même traitement à tous.
« La pharmacogénomique nous permet, à partir des analyses de l’ADN du patient, de faire des prédictions sur l’efficacité d’un médicament. Si nous pouvons cibler une population qui répond mieux à un médicament donné, nous pourrons offrir des soins plus efficaces et personnalisés plutôt que de fournir le même traitement à tous », explique Mme Dubé.
La scientifique a depuis été recrutée par l’Université de Montréal en 2005 et a assisté à la création du Centre de pharmacogénomique de l’ICM, qu’elle dirige depuis près de quatre ans. Elle a aussi fondé le Groupe de recherche en statistiques génétiques StatGen, dont l’équipe accompagne, de concert avec l’ICM, des groupes pharmaceutiques dans leurs démarches d’évaluation de médicaments destinés à personnaliser les soins, notamment pour les maladies cardiovasculaires. Trois grandes études, dont deux portant sur des médicaments contre le cholestérol et une autre sur les troubles de fréquence cardiaque, sont en cours et requièrent la participation de plus de 6 000 patients chacune. « Une partie de nos résultats sont sur le point d’être publiés et ils sont très probants. C’est extrêmement gratifiant de constater que ce long processus, qui est plutôt abstrait et s’étale sur des années, va peut-être déboucher sur un nouveau médicament personnalisé », souligne-t-elle.
Marie-Pierre Dubé supervise également, en collaboration avec une professeure de l’Université de Montréal spécialisée dans la pharmacoéconomie, une vaste étude génétique sur la warfarine, l’anticoagulant oral le plus répandu. « La warfarine a un index thérapeutique très étroit et la dose appropriée varie d’une personne à l’autre. Il faut donc effectuer un suivi clinique serré des patients pour détecter ceux qui sont instables et qui pourraient être l’objet d’effets indésirables dangereux. L’un des objectifs de l’étude est de vérifier si on peut identifier les personnes à risque grâce à leur profil génétique pour ensuite leur proposer de passer à l’un des trois nouveaux anticoagulants oraux maintenant offerts sur le marché et évaluer leur réponse à ce médicament », indique-t-elle au sujet de ce projet, qui comprend aussi une analyse de l’impact économique du profilage génétique.
Les défis ne sont pas réservés qu’à la vie professionnelle de Mme Dubé : en grande amatrice de ski alpin, elle n’hésite pas à se mesurer aux pistes les plus escarpées. « J’aime tester ma limite personnelle et attaquer les pentes! », conclut la chercheuse de 43 ans, qui partage cette passion et celle de la photographie avec son fils de 16 ans.
Juin 2015
Rédaction : Annik Chainey