Louis De Beaumont

Innovateur et passionné

Si vous suivez l’actualité, vous avez certainement vu passer le nom de Louis De Beaumont à quelques reprises au cours des dernières années dans des articles et reportages portant sur les commotions cérébrales. Le neuropsychologue clinicien et chercheur au Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal (CRHSCM) est un spécialiste de ce sujet brûlant sur lequel ses travaux ont permis de jeter un éclairage nouveau. Son équipe et lui ont en effet fait deux découvertes importantes dans le domaine. En 2009, ils ont été les premiers à montrer que les séquelles cognitives provoquées par une commotion cérébrale perduraient des décennies après l’incident. Cinq ans plus tard, ils ont démontré que les dommages structurels observés dans les cerveaux commotionnés, comme la mort neuronale et les atteintes à la matière blanche, qui permet la communication entre les neurones, s’aggravaient avec l’âge et étaient liés aux problèmes cognitifs détectés.

Je considère que mon travail trouve tout son sens dans la protection des mineurs qui font des sports de contact puisqu’ils ne sont pas assez grands pour prendre de bonnes décisions. En fait, c’est plus que mon travail : c’est ma mission.

Dans les deux cas, M. De Beaumont et ses collaborateurs sont sortis des sentiers battus en utilisant des outils existants, tels l’imagerie par résonance magnétique et l’électroencéphalogramme, mais qui n’avaient jamais réellement servi à examiner les cerveaux commotionnés. Ils ont aussi fait appel à une « cohorte exceptionnelle » composée notamment d’anciens athlètes universitaires âgés dans la soixantaine en parfaite santé, certains ayant subi des commotions cérébrales et d’autres non. Pas étonnant que la première découverte, qui était à la base du doctorat du chercheur, lui ait valu la médaille d’or académique du Gouverneur général du Canada et que la seconde ait été citée dans le palmarès des 10 découvertes de l’année 2014 du magazine Québec Science. « Nos travaux ont vraiment eu une influence, reconnaît le principal intéressé. Je suis fier que les effets à très long terme des commotions cérébrales soient maintenant, en partie grâce à nos découvertes, de notoriété publique, mais ce n’est pas par orgueil ou par ego. C’est plutôt parce que cette attention nous permet d’informer la population des risques associés aux commotions cérébrales afin de minimiser les séquelles, surtout chez les jeunes. »

Louis De Beaumont est bien placé pour connaître les conséquences désastreuses que peuvent entraîner les commotions cérébrales, lui qui a joué au hockey au niveau junior en Ontario tout en faisant un baccalauréat en psychologie. « À l’époque, plein de gars tombaient au combat en raison des commotions cérébrales et je me rendais compte que la médecine avait tendance à minimiser l’impact de ce type d’incident. Un joueur avait une commotion cérébrale et, deux jours plus tard, il participait à l’entraînement. Il avait mal à la tête, mais ce n’était pas grave, il continuait. La prise en charge laissait vraiment à désirer, mais ce n’était pas la faute des cliniciens parce que peu de choses étaient connues sur le sujet », explique celui qui est aussi professeur adjoint sous octroi au département de chirurgie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.

Les connaissances sur les commotions cérébrales allaient bientôt faire des progrès considérables en partie grâce aux recherches de Louis De Beaumont. Élève brillant, le futur chercheur passe directement du premier cycle au doctorat, qu’il obtient à l’Université de Montréal en neuropsychologie clinique, option recherche et intervention. Après ses études doctorales, durant lesquelles il réalisera sa découverte sur les effets cumulatifs et à très long terme des commotions cérébrales, il poursuit avec un postdoctorat à l’Université McGill dans le cadre duquel il étudie la neurobiologie moléculaire de la maladie d’Alzheimer par rapport à ses facteurs de risque comme le vieillissement et, justement, les commotions cérébrales. M. De Beaumont enseignera par la suite pendant cinq ans la neuropsychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières avant d’obtenir la Chaire Fondation Caroline Durand en traumatologie aiguë de l’Université de Montréal. « C’est la chance d’une vie », affirme-t-il à propos de cette chaire, dont l’objectif est d’étudier les traumatismes crâniens dans la phase aiguë.

Aujourd’hui à la tête d’un laboratoire « de taille considérable et éclaté » qui s’intéresse, entre autres, aux pronostics des traumatisés crâniens et au retour à la conscience des personnes comateuses, Louis De Beaumont continue de faire la part belle à son sujet de prédilection. Outre ses travaux visant une meilleure compréhension des commotions cérébrales, dont un projet novateur sur le développement d’un modèle animal pour découvrir ce qui se passe dans le cerveau sur le plan chimique immédiatement après le choc, le chercheur planche aussi sur des interventions pour limiter les dégâts dans les cerveaux commotionnés, comme la stimulation magnétique et des exercices d’aérobie. Ces deux méthodes permettent en effet d’améliorer la plasticité du cerveau, soit la capacité des neurones à communiquer ensemble, l’un des mécanismes cérébraux mis à mal par les commotions. M. De Beaumont a également commencé à explorer les moyens de prévenir les commotions cérébrales en dirigeant une étude multidisciplinaire sur l’amélioration de l’équipement protecteur porté par les joueurs de football.

Aux yeux de Louis De Beaumont, la commotion cérébrale est plus qu’un thème de recherche, c’est aussi un enjeu social. « C’est une question importante parce qu’il y a des millions de personnes qui font du sport et qui sont donc sujettes aux commotions cérébrales », soutient le neuropsychologue, qui estime que l’expression « commotion cérébrale » ne devrait être utilisée que dans un contexte sportif. « Les gens disent souvent qu’ils ont fait une commotion, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut aujourd’hui distinguer le coup à la tête violent qui survient en contexte sportif et qui entraîne des symptômes du coup à la tête qui se produit, par exemple, lorsqu’un enfant tombe dans l’escalier ou qu’une personne âgée chute sur la glace. Dans le premier cas, on parle de commotion cérébrale parce que le coup affecte un cerveau déjà vulnérable, ayant préalablement été soumis à un énorme cumul de coups à la tête. Dans le second, on parle plutôt de traumatisme crâniocérébral. » M. De Beaumont est particulièrement sensible au sort des jeunes joueurs. « Je considère que mon travail trouve tout son sens dans la protection des mineurs qui font des sports de contact puisqu’ils ne sont pas assez grands pour prendre de bonnes décisions. En fait, c’est plus que mon travail : c’est ma mission. »

Cet engagement envers les jeunes joueurs reflète la passion que met Louis De Beaumont dans tout ce qu’il fait, que ce soit son travail ou les questions qui l’interpellent comme la politique américaine ou la place de la technologie au sein de nos sociétés modernes. « Je suis un passionné et un excessif, admet le papa de trois enfants. Je m’intéresse absolument à tout. Mon travail comme mon loisir, c’est d’apprendre. »

 

Novembre 2018

Rédaction : Annik Chainey
Photo : Bonesso-Dumas

Affiliation principale

Lieu de travail

Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal

Disciplines de recherche

– Commotion cérébrale
– Trauma – soins aigus

Chercheuses et chercheurs reliés