Dans les années 1980, les patients québécois atteints de certains types de cancer étaient envoyés à grands frais au Boston Children’s Hospital ou au Dana-Farber Cancer Institute, dans le Massachusetts, afin d’y recevoir un traitement encore expérimental : une greffe de cellules souches du patient lui-même qui était traité pour en éliminer les cellules leucémiques. Seuls quelques centres dans le monde pratiquaient alors ce genre de traitement du greffon de moelle osseuse et c’est pour en faire profiter le Québec que le Longueuillois Denis Claude Roy s’est rendu à l’Université Harvard afin d’y compléter un fellow postdoctoral en immunologie tumorale, qui a mené à des développements majeurs dans un domaine qu’on appelle aujourd’hui la thérapie cellulaire.
« À l’époque, la technologie n’était pas encore tout à fait au point. Mais avec les progrès qui ont été réalisés depuis, je crois qu’on peut dire que les traitements à base de cellules souches représentent sans doute la plus grande avancée en médecine du XXIe siècle. Ces cellules ont un pouvoir quasi illimité », affirme le Dr Roy, qui assume aujourd’hui la direction du laboratoire de recherche en thérapie cellulaire et la direction du Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, en plus d’être professeur titulaire au Département de médecine de la faculté du même nom, où il a également effectué ses études en médecine.
Le Centre d’excellence en thérapie cellulaire (CETC) de l’établissement, en opération depuis un an et dont le Dr Denis Claude Roy assume également la direction scientifique, est un des plus importants du genre au niveau international. Le chercheur et son équipe y ont, entre autres, élaboré une approche de thérapie photodynamique, un procédé en voie d’approbation qui pourrait être utilisé partout à travers le monde pour accroître le succès des greffes allogéniques, qui mettent en cause un donneur qui est différent du receveur, et qui constituent un défi dans le traitement des cancers.
En étant à la fois chercheur et médecin clinicien, je suis un peu un hybride et il n’y a rien qui me fasse plus plaisir que de voir des patients qui survivent grâce à un nouveau traitement que nous leur avons proposé. Je pense que c’est la raison pour laquelle nous travaillons aussi fort.
La chimiothérapie détruisant les cellules en santé comme celles qui sont cancéreuses, le patient doit recevoir des cellules souches pour reconstituer ses systèmes sanguin et immunitaire. Mais lorsque le donneur et le receveur ne sont pas de groupes parfaitement compatibles, de telles transplantations présentent un risque mortel pour le patient, les cellules alloréactives du donneur s’attaquant aux organes du receveur, qu’elles reconnaissent comme étrangers. Plutôt que d’administrer au patient des médicaments antirejet, les travaux du Dr Roy ont montré qu’il était possible de traiter directement le greffon de cellules souches hématopoïétiques, et ce, avant de procéder à la transplantation.
« Nous prélevons les cellules du donneur et les exposons, en laboratoire, à celles du receveur. Celles qui reconnaissent les cellules du patient s’activent et absorbent le colorant photosensible que nous y avons ajouté, le TH9402. De cette façon, nous pouvons retirer les “mauvaises” cellules, celles qui causent la maladie du greffon contre l’hôte (GVH) et n’injecter que les cellules qui auront un rôle favorable pour éliminer les infections et prévenir la rechute leucémique », indique le chercheur. Une première étude sur ce traitement a été effectuée à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et une deuxième est en cours à l’international. Des centres canadiens, belges, allemands, anglais et hollandais y prennent part afin de déterminer le taux de succès de la thérapie photodynamique auprès de patients atteints de leucémie.
Le Dr Roy et son équipe explorent également d’autres approches, qui utilisent soit le système immunitaire pour s’attaquer à de nouveaux antigènes retrouvés sur les cellules cancéreuses, soit les cellules souches expandues en laboratoire afin de faciliter la greffe de sang de cordon, en collaboration avec des chercheurs de l’IRIC. Il étudie aussi les champs d’application du traitement par cellules souches dans d’autres secteurs, notamment pour les maladies des yeux et du cœur. Le glaucome, parexemple, pourrait être traité en injectant des cellules souches dans la zone malade de l’œil, ce qui pourrait amener une guérison. Le même principe est testé pour soigner le muscle cardiaque endommagé après un infarctus. « Nous menons présentement deux études là-dessus avec des chercheurs du CHUM et allons bientôt en débuter une avec des chercheurs de l’ICM. Nous extrayons des cellules souches de la moelle à l’aide d’un aimant, les isolons et, après les avoir activées ou modifiées, les injectons dans le site endommagé pour aider le cœur à se réparer », mentionne le scientifique qui a récemment été nommé à la tête du nouveau réseau de médecine régénératrice et de thérapie cellulaire (CellCAN).
Ce réseau facilitera le partage des connaissances entre les différents centres de médecine régénératrice et de thérapie cellulaire au pays tout en assurant le lien avec les chercheurs en recherche fondamentale et les cliniciens. CellCAN vise également à rejoindre les patients et le grand public afin de les informer des avancées et du potentiel énorme de la thérapie cellulaire. « En étant à la fois chercheur en laboratoire et médecin clinicien, je suis un hybride et il n’y a rien qui me fasse plus plaisir que de voir des patients qui survivent grâce à un nouveau traitement que nous avons développé et instauré ici au Québec. Il est clair que les patients sont la motivation de toute notre équipe à travailler aussi fort », affirme le Dr Denis Claude Roy.
Lorsqu’il n’est pas à l’hôpital, le Dr Roy aime passer du temps avec son épouse et leurs trois enfants, notamment pour faire du vélo, du patin et du ski alpin. « Je suis si souvent au travail qu’il faut que je me réserve des moments avec mes proches. Pour moi, la famille, c’est très important », conclut-il.
Mai 2015
Rédaction : Annik Chainey