Il ne voulait pas aller à l’université. Il ne savait pas où cela pourrait le mener. Il voulait plutôt devenir maître-nageur.
Puis, il a débuté des études en kinésiologie.
Et il est maintenant détenteur d’un doctorat en science du mouvement humain à l’Université de Montpellier en France et professeur à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal.
Pour quelqu’un qui n’aimait pas particulièrement l’école, Ahmed Jérôme Romain a aujourd’hui une carrière universitaire florissante, avec à son actif plus de 50 publications scientifiques, dont cinq chapitres de livre.
C’est d’abord la possibilité d’utiliser l’activité physique pour aider les gens qui a poussé monsieur Romain, un nageur de compétition, à entamer un baccalauréat en sciences de l’activité physique à l’Université des Antilles en Guadeloupe.
Si, à la maîtrise, il développe tout d’abord un intérêt pour les liens entre l’activité physique, le diabète de type 2 et l’obésité, la santé mentale devient rapidement pour lui un sujet de recherche central. C’est d’ailleurs à cette époque qu’il publie son premier article sur l’activité physique et la schizophrénie. Aujourd’hui, après avoir réalisé un stage postdoctoral au Centre de recherche du CHUM, il œuvre pour améliorer la santé physique et mentale des gens qui ont des troubles de santé mentale, notamment des troubles psychotiques, affectifs et anxieux.
« Dans les recommandations canadiennes, il est maintenant établi que l’activité physique est la première ligne d’intervention pour les dépressions légères à modérément sévères, avant la médication. Pour les troubles dépressifs plus sévères, l’activité physique vient en concomitance avec la médication. On sait donc que l’activité physique a un rôle important dans l’amélioration de la qualité de vie de ces patients. Et on évalue même la possibilité de l’utiliser comme outil de prévention de la dépression. »
Monsieur Romain encourage donc l’intégration de l’activité physique au traitement et à la prévention de ces troubles mentaux, dans une optique de prise en charge plus holistique.
Le chercheur œuvre également pour la démocratisation des bienfaits de l’activité physique chez les patients atteints de troubles psychotiques. Parmi ces avantages, il note par exemple l’atténuation de certains symptômes, l’amélioration de la santé physique et l’amoindrissement de la prise de poids causée par les antipsychotiques.
« Prescrite suffisamment tôt, l’activité physique permet de maintenir la prise de poids en dessous des trois kilos, en comparaison avec la bonne dizaine de kilos qu’entraîne normalement la médication. L’entrée dans le trouble psychotique est un événement traumatique en soi. Si, en plus, une personne au départ svelte devient en surcharge pondérale ou en surpoids, ça devient très difficile sur la confiance. Sans parler des défis supplémentaires reliés à la gestion du trouble de santé mentale en lui-même. »
À ce chapitre, Ahmed Jérôme Romain rappelle que les gens atteints de troubles psychotiques sévères décèdent en moyenne 15 à 25 ans plus tôt que la population générale. Ces derniers ne meurent toutefois pas des suites de leur maladie mentale, mais plutôt en raison de la dégradation de leur état physique. À titre indicatif, monsieur Romain précise que jusqu’à 65 % des personnes présentant une schizophrénie sont fumeuses, jusqu’à 55 % d’entre elles sont en situation d’obésité et plus de 30 % ont également une multimorbidité physique, soit la cooccurrence de plusieurs troubles de santé chez un même individu.
« Les prises en charge médicales, souvent en silo et par discipline, ne permettent pas toujours une gestion optimale de la multimorbidité. Il y a encore beaucoup de travail et d’éducation à faire auprès des divers professionnels de la santé, afin d’offrir des interventions orientées sur le patient plutôt que sur la pathologie. »
Avril 2020
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux