Les possibilités de la recherche en santé mentale sont infinies. Invité de marque du doyen de la Faculté de médecine, le Dr Joshua Gordon, directeur du National Institute of Mental Health (NIMH), a offert un aperçu des avancées les plus prometteuses en la matière, ouvrant la voie à la prévention, au rétablissement et à la guérison.
Les Conférences du doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal sont l’occasion de mettre de l’avant les recherches en santé d’ici et d’ailleurs. Dans le cadre de la deuxième édition de cette série, le Dr Joshua Gordon, directeur du NIMH – l’agence responsable de la recherche sur les troubles mentaux aux États-Unis et plus grand centre de recherche biomédicale au monde – a présenté les approches novatrices et les technologies émergentes visant à mieux répondre aux besoins de la population en matière de soins en santé mentale.
Les gènes et l’environnement en cause
D’entrée de jeu, le chercheur a démontré la prédisposition génétique de la schizophrénie, accentuée par les impacts environnementaux. « La combinaison de plusieurs mutations génétiques modifie considérablement le risque de schizophrénie, soit de 20% à 30% », indique le spécialiste de la schizophrénie, des troubles anxieux et de la dépression. « Or, si nous avons identifié plusieurs de ces composants génétiques, notre plus grand défi est de voir dans quelle proportion les impacts environnementaux affectent le système nerveux et augmentent le risque de schizophrénie. »
Pour ce faire, dit-il, les experts devront relever un autre défi : diversifier leurs échantillons génétiques en incluant un plus grand nombre de participants. « La plupart de nos données proviennent de personnes d’origine européenne. Nous devons élargir nos échantillons génétiques à l’ensemble de toutes les populations pour améliorer la compréhension des maladies. Ce faisant, nous pourrons mieux identifier les variantes responsables du risque dans le génome. »
Les neurocircuits à la rescousse
Le Dr Gordon a aussi mis de l’avant les technologies de plus en plus puissantes qui permettent de cartographier l’emplacement des différents types de cellules dans le cerveau et d’y tracer les connexions neuronales. « Les neurocircuits sont un domaine extrêmement prometteur. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique, les chercheurs peuvent développer une compréhension sophistiquée de l’anatomie des circuits dans le cerveau, et cibler ainsi des régions du cerveau spécifiques pour traiter la dépression ou la schizophrénie. Ce qui laisse entrevoir la possibilité de réduire les effets secondaires des médicaments. »
Le phénotypage computationnel
Le progrès se situe aussi du côté de la psychiatrie computationnelle, qui consiste à identifier des types comportementaux complexes perturbés par la maladie mentale, à les décomposer, à décrire ces composants de manière quantitative et à voir comment ces comportements complexes sont altérés par la maladie.
Pour illustrer ses propos, le Dr Gordon prend pour exemple le bonheur – l’humeur, en réalité. « Si vous essayez de comprendre le bonheur en comparant, à l’aide d’un scanneur cérébral, le cerveau d’un groupe de personnes heureuses à celui de personnes tristes, vous n’apprendrez rien. En revanche, si vous tentez de « décomposer » le bonheur en utilisant un modèle mathématique qui examine les zones de prédiction de la récompense, vous constaterez qu’il existe des déficits dans les représentations cérébrales de ces zones, et ce, de manière constante chez les patients dépressifs. Cette approche mathématique du cerveau, appelée phénotypage computationnel, permet encore une fois de développer des médicaments qui ciblent des fonctions spécifiques dans le cerveau. »
Les impacts de la COVID-19 sur la santé mentale
Augmentation des symptômes de stress, d’anxiété et de dépression…. La pandémie a eu des répercussions considérables sur la santé mentale pour l’ensemble des populations à travers le monde. Mais il y a plus, relève le Dr Gordon. « Il a été démontré que chez les personnes qui souffraient de maladies mentales avant la pandémie, le risque de contracter la COVID-19 est de 7 à 10 fois plus élevé. Et pour certaines maladies, en particulier la schizophrénie, le risque de mourir de la COVID-19 est de 2 à 3 fois plus grand. » Quelque 90 études financées par le NIH se penchent présentement sur les impacts de la COVID-19 sur la santé mentale en vue de développer des interventions visant à améliorer la résilience des communautés.