« Je me suis intéressée assez vite à la façon dont notre cerveau pouvait supporter nos activités quotidiennes. Je me suis aussi intéressée à étudier comment la rééducation pouvait aider à rendre les personnes âgées avec troubles cognitifs plus autonomes dans leur vie de tous les jours. » Après un baccalauréat en ergothérapie (1999), une maîtrise en sciences biomédicales (2002) à l’Université de Montréal et deux stages en Belgique où elle découvre une prise en charge avant-gardiste des patients atteints de maladies dégénératives du cerveau, son doctorat en sciences cliniques (Université de Sherbrooke, 2007) lui fait croiser la route des démences et de leur prise en charge.
« Mes patients étaient très amnésiques ou encore perdaient progressivement la connaissance du nom des objets et des personnes. Pour leur réadaptation, j’ai misé sur des activités significatives de leur vie quotidienne, dans leur maison avec leurs objets personnels. », précise-t-elle en citant une de ses études basées sur la mise en œuvre d’une recette de crevettes à la créole!
« Chez tous ces participants, nous avons pu mobiliser leur mémoire procédurale, soit la mémoire du “comment faire”, pour leur permettre de retrouver de l’autonomie, de réapprendre des activités quotidiennes significatives. »
Depuis son postdoctorat en science cognitive à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, elle a également découvert le potentiel des nouvelles technologies pour supporter ce processus en réadaptation.
Être autonome chez soi le plus longtemps possible, les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs y ont droit aussi!
La technologie au service des patients
Nathalie Bier a ainsi plongé dans la gérontechnologie, soit le développement ou l’utilisation de technologies pour compenser, retarder ou même prévenir les difficultés cognitives reliées au vieillissement. Par exemple, la mise au point d’un agenda électronique adapté aux personnes atteintes d’Alzheimer ou de démences apparentées.
« Avec des cliniciens et une équipe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke, on est donc parti du besoin des patients, à savoir l’utilisation de leur téléphone intelligent, pour développer l’agenda électronique AP@LZ, explique Nathalie Bier. Contrairement aux appareils commerciaux, son interface limite la navigation et le nombre d’applications accessibles à un calendrier, un rappel des tâches de routine (prise de médicaments, rendez-vous, etc.), un module photo et une fiche d’identité notamment. » La réadaptation se concentre sur la mémoire procédurale. L’effet de l’apprentissage se fait sentir encore 48 mois après chez certains utilisateurs. Un beau succès.
Connecter le téléphone intelligent à l’environnement intelligent? Une évidence pour Nathalie Bier. La clinicienne collabore d’ailleurs avec des spécialistes de l’informatique de l’Université de Bordeaux en France et de l’Université de Sherbrooke pour déterminer les signaux (marqueurs) face auxquels un environnement intelligent devrait être alerte lorsqu’il surveillera ses résidents en perte d’autonomie et comment y répondre pour les supporter. Pas une mince affaire!
Avec l’Université de Sherbrooke et l’Université du Québec à Chicoutimi (laboratoire d’intelligence ambiante pour la reconnaissance d’activités), elle participe aussi à un projet d’assistant culinaire électronique qui permettrait aux résidents d’une maison supervisée de préparer des repas en toute autonomie. La chercheuse précise que « la technologie est simplement là pour compenser ou supporter, elle ne doit pas prendre toute la place. »
« Pour maintenir l’autonomie des personnes, même avec la technologie, le volet apprentissage-mémoire procédurale demeure un incontournable dans les maladies neurodégénératives. C’est d’autant plus efficace qu’il s’inscrit dans le cadre d’activités significatives pour la personne. Que ce soit la cuisine, une balade avec les enfants ou des activités sociales. » D’ailleurs, elle vient d’obtenir une subvention pour réaliser un projet en soutien à domicile des personnes âgées vulnérables atteintes de troubles cognitifs, via la technologie. Dans son laboratoire du CRIUGM, elle teste ces technologies qui sont ensuite déployées en milieu réel, chez des personnes âgées, en collaboration avec leurs intervenants en soutien à domicile du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.
Et ses activités significatives, quelles sont-elles? Le sport. Comme une passion. En famille avec ses deux enfants ou en solo. Ski, soccer ou vélo. « Je suis une personne d’extérieur », me glisse-t-elle. Une personne sociale aussi. Humaine avant tout.
Octobre 2017
Rédaction : Bruno Geoffroy
Photo : Bonesso-Dumas