Pour faire avancer les connaissances dans son domaine et ainsi améliorer les soins prodigués aux patients, la Dre Marie-Josée Hébert est prête à sortir des sentiers battus. C’est cette audace qui a permis à la néphrologue-transplanteuse et à son équipe d’identifier deux nouveaux médiateurs jouant un rôle important dans le rejet chez les personnes ayant subi une greffe rénale: le LG3 et l’anticorps anti-LG3. « Il y a plusieurs types de rejets, mais les plus inquiétants sont ceux qui endommagent les vaisseaux sanguins responsables de nourrir l’organe transplanté, explique la Dre Hébert depuis son bureau du Centre de recherche du CHUM. Quand nous avons commencé nos travaux au début des années 2000, la littérature disait que les cellules qui mouraient n’avaient aucun effet sur leur environnement, mais cela ne correspondait pas à nos observations cliniques. Nous avons donc voulu vérifier si c’était bien le cas pour les cellules des vaisseaux abîmés dans un contexte de greffe rénale. »
Cette décision d’aller à contre-courant a porté ses fruits puisque la chercheuse et ses collègues ont découvert que les cellules étaient loin de rendre l’âme en silence. « Nous avons constaté que lorsqu’elles s’éteignaient, les cellules libéraient certains médiateurs, dont le LG3, raconte celle qui est professeure, directrice du programme de transplantation et titulaire de la Chaire Shire en néphrologie, transplantation et régénération rénale de l’Université de Montréal . Nous avons appelé ce phénomène “testament moléculaire”, un concept qui n’existait pas auparavant. » Cette avancée enthousiasme particulièrement la Dre Hébert. « C’est excitant de voir que nos efforts des 10 dernières années ont abouti à des applications concrètes pour les patients », affirme la médecin originaire de Valleyfield, qui a justement choisi la médecine pour pouvoir assouvir sa soif de connaissances scientifiques tout en améliorant la qualité de vie des gens.
C’est excitant de voir que nos efforts des 10 dernières années ont abouti à des applications concrètes pour les patients
En plus de bénéficier des retombées des projets de recherche de la Dre Hébert, les patients contribuent aussi activement à ses travaux, notamment par le biais de la banque de matériel biologique que la spécialiste a aidé à mettre sur pied en 2008. « C’est une initiative du Consortium de recherche en néphrologie de l’Université de Montréal, dont la philosophie est de développer des outils qui seront utiles à plusieurs chercheurs, indique-t-elle au sujet de la banque, qui est constituée d’échantillons de sang, d’urine et d’autres éléments fournis sur une base volontaire par les patients avant et après leur greffe. Sans cette ressource, nos observations sur le LG3 et l’anticorps anti-LG3 n’auraient tout simplement pas été possibles. »
La banque fait partie des outils qui ont été intégrés au Programme national de recherche en transplantation du Canada (PNRTC), qui a été créé l’an dernier par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et dont la direction a été confiée à la Dre Hébert et à la Dre Lori West de l’Université de l’Alberta. « C’est un programme unique au monde parce qu’il regroupe une centaine de chercheurs tant dans la discipline du don d’organes que dans celle de la transplantation d’organes et de cellules souches, précise-t-elle, visiblement enchantée par ce projet, qui a reçu une subvention de 13,8 millions de dollars. L’objectif est d’utiliser la recherche pour amener des changements tangibles et bénéfiques aux gens qui ont besoin d’une transplantation au Canada. » Grâce au PNRTC, la Dre Hébert et son équipe ont d’ailleurs commencé à évaluer si le testament moléculaire pouvait s’appliquer à d’autres types de cellules ou d’organes en collaboration avec des chercheurs issus de différents domaines.
Outre ses recherches et ses patients, la Dre Hébert a une autre priorité dans la vie: sa famille, avec qui elle essaie de passer le plus de temps possible. « Je joue au tennis chaque semaine avec mon mari, qui est également chercheur en santé, et notre fils de 14 ans. L’été, nous faisons de la voile, j’en profite pour laisser la barre à mon époux et à fiston et jouer au mousse. Je trouve ça très relaxant de ne rien décider, ça fait changement », conclut-elle en souriant.
Février 2014
Rédaction : Annik Chainey