Nadège Zanré s’en souvient comme si c’était hier : la main crispée de sa mère dans la sienne, et ses doigts qui se détendent devant le calme et le ton rassurant du pédiatre. Ce jour-là, la fillette de 7 ans se promet de devenir médecin. Vingt et un ans plus tard, elle réalise son vœu le plus cher au quotidien.
Entre les accouchements, les césariennes et les chirurgies gynécologiques, la résidente en deuxième année de spécialisation en obstétrique et gynécologie à la Faculté de médecine s’accomplit dans un domaine qu’elle a conquis par la force de sa persévérance.
Originaire du Burkina Faso, Nadège Zanré a passé une partie de son enfance en Belgique avant d’immigrer au Canada avec sa famille. Pendant son parcours scolaire, il lui est arrivé à maintes reprises de douter de son choix de carrière originel. Aurait-elle les notes pour entrer en médecine ? Serait-elle à la hauteur ?
Faible représentativité
Ses questionnements reflètent ceux de nombreux membres des communautés noires : selon une étude de 2016, alors que 94 % des jeunes Noirs de 15 à 25 ans avaient déclaré souhaiter obtenir un diplôme universitaire, seuls 60 % croyaient être en mesure d’y arriver. Un sentiment d’incompétence, les pressions raciales, les inégalités sociales et le manque de représentativité seraient en cause.[1]
« L’appui des conseillers en orientation de même que les encouragements de ma famille et de mes amis m’ont incitée à croire en moi et à poursuivre mon rêve », affirme Nadège, qui a mis les bouchées doubles pour obtenir une cote R lui permettant de se qualifier.
N’empêche, dans la salle d’attente pour son entrevue d’admission en médecine, elle découvre avec stupeur qu’elle est la seule candidate noire. « En première année de médecine, nous n’étions que six étudiants noirs sur 300. Ça m’a choquée », déplore-t-elle. Le Dr Jean-Michel Leduc, professeur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie, et président du comité équité et diversité du vice-décanat aux études médicales de premier cycle de la Faculté de médecine, évoque une moyenne d’à peine 3 % des étudiants en médecine qui sont issus des communautés noires.
Des modèles inspirants
Au cours de son doctorat en médecine, la jeune femme va effectuer deux stages à l’international qui seront décisifs pour la suite de sa carrière. Le premier, en Tanzanie, lui fait découvrir la salle d’accouchement et la gynécologie. Le second, au Congo, est encore plus marquant : grâce à la Bourse d’excellence du comité équité et diversité de la Faculté de Médecine, elle est invitée à rencontrer le Denis Mukwege. Prix Nobel de la paix en 2018, l’illustre gynécologue congolais soigne depuis plus de 20 ans les victimes de viols collectifs perpétrés par des groupes armés en République démocratique du Congo.
Peu importe votre origine ou la couleur de votre peau, si vous aspirez à étudier en sciences de la santé, ne laissez personne tuer votre rêve. Les comportements et les commentaires discriminatoires ne définissent pas vos capacités intellectuelles. Il faut les dénoncer.
Nadège Zanré
Ces expériences finissent de la convaincre : une meilleure représentativité des personnes noires dans le programme de médecine est essentielle pour promouvoir une diversité de connaissances et prodiguer de meilleurs soins à cette population. D’autant que certaines pathologies touchent davantage les personnes noires, indique le Dr Edouard Kouassi, président de l’Association médicale des personnes de race noire du Québec (AMPRNQ) et membre du comité équité et diversité de la Faculté de médecine.
Nadège n’oubliera jamais cette patiente Haïtienne qui s’est mise à pleurer de soulagement en la voyant entrer dans la salle pour sa césarienne. Une femme issue de la même communauté qu’elle ! Aujourd’hui, à l’image du pédiatre de son enfance, Nadège affiche un calme et adopte un ton rassurant.
Par Déborah St-Victor
[1] (s.d.). Récupéré sur https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-006-x/2020001/article/00002-fra.htm