Au départ, le docteur Olivier Beauchet était sceptique.
Le chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM) et nouvellement professeur au Département de médecine ne pensait pas que des interventions artistiques pouvaient améliorer la santé globale des aînés hospitalisés en courts séjours gériatriques.
Pourtant, après une année à offrir des ateliers de peinture à des personnes âgées hospitalisés, il observa une réduction des durées de séjour et du nombre de décès.
« Incroyable, me suis-je dit, se rappelle le docteur Beauchet. L’individu qui ressent une émotion positive, émotion non ressentie depuis longtemps parce qu’il est âgé et replié sur lui-même, amène une sensation de bien-être, une envie d’être davantage proactif dans ses soins. Ce qui pourrait expliquer un tel résultat. »
Fort de ce constat, le médecin gériatre et neurologue pilote aujourd’hui un programme de recherche visant à examiner les effets des interventions artistiques sur des paramètres cliniques tels que l’amélioration du bien-être et de la qualité de vie des aînés. Menée au Québec et à l’international (Japon, Singapour et France), cette étude évalue également la réduction de la fragilité et de l’isolement social de cette population.
Le programme se concentre sur deux catégories d’interventions artistiques réalisées en groupes : des ateliers d’arts plastiques et la participation aux Beaux-Jeudis du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), soit des visites guidées interactives offertes aux 65 ans et plus.
De l’art-thérapie?
« Pour moi, c’est plutôt un des volets de l’art-thérapie, que de l’art-thérapie en soi, précise le chercheur. Dans notre projet, nous accordons une grande importance à la mécanique de groupe. D’une part, oui, il y a la création artistique, mais nous nous intéressons aussi beaucoup à l’impact de la socialisation qui y est associée. »
De là découle d’ailleurs un questionnement que le docteur Beauchet souhaite approfondir : est-ce vraiment l’émotion pure générée par l’art qui engendre des bienfaits, ou est-ce plutôt la socialisation découlant des activités participatives, voire une combinaison des deux?
Le gériatre y apporte une portion de réponse : « Nous sommes des individus vertébrés avec un cerveau émotionnel extrêmement puissant qu’on sous-estime énormément et qui peut stimuler la modularité cérébrale. Pour moi, l’art est un support, un catalyseur du lien social. »
L’importance d’agir tôt
Au Canada, et particulièrement au Québec, l’amélioration de l’état de santé des personnes âgées et la lutte contre l’isolement social de cette population sont des problématiques importantes. Selon le docteur Beauchet, il est primordial d’agir rapidement dans le processus de fragilisation afin de maintenir ces personnes en bonne santé et socialement actives.
« Avec notre programme au MBAM, nous avons montré que nous pouvons inverser ce processus en travaillant avec cette population en amont, c’est-à-dire avant que les troubles cognitifs ou physiques soient trop avancés. La dimension artistique est une intervention attractive, en plus d’être efficace pour coupler l’amélioration d’un état mental et physique et accroître la connexion de l’individu avec lui-même et la société. »
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux