Avant la pandémie, le télétravail était une alternative pratique pour bénéficier d’une certaine souplesse dans notre mode de vie effréné. Aujourd’hui, il est devenu une obligation sanitaire pour une vaste portion des travailleurs du Québec. Imposée du jour au lendemain pour plusieurs, cette forme de travail nécessite une adaptation à laquelle peu de gens étaient préparés.
Monique Martin et Elyse Marois, toutes deux ergothérapeutes et professeures adjointes de clinique à l’École de réadaptation, nous outillent pour vivre le télétravail de façon harmonieuse tant au niveau physique que psychologique.
Bien installer son poste de travail
Le premier défi auquel les télétravailleurs sont confrontés consiste évidemment à installer un poste de travail à la maison. « Faute de ressources, le fauteuil du salon ou la table de la salle à dîner font souvent office de bureau de travail. Un jour ou deux installé ainsi, cela peut aller, mais sur une plus longue période, des inconforts au niveau musculosquelettique peuvent s’installer », explique madame Martin, ergothérapeute et ergonome spécialisée en troubles musculosquelettiques.
Voici, en vrac, ses conseils pour créer un poste de travail qui diminue les risques de douleurs physiques :
- Choisir une chaise qui permet d’avoir le dos appuyé et les cuisses bien supportées. Les pieds devraient être en appui au sol, les épaules relâchées, les coudes fléchis à 90 degrés à la même hauteur que le clavier, les yeux vis-à-vis le haut de l’écran.
- Au besoin, on peut rehausser légèrement l’écran en l’installant sur un cartable comportant une légère pente. Attention, une trop grosse pente au niveau du cartable pourrait provoquer une extension trop importante des poignets.
- On peut aussi se rehausser par rapport à la table en insérant un coussin sous les fesses et, si nécessaire, appuyer ses pieds sur un dictionnaire ou tout autre objet rectangulaire, stable et de bonne hauteur.
- L’utilisation d’un clavier et d’une souris externes permettent de régler le conflit entre la hauteur du clavier, de la souris et de l’écran. On peut alors éloigner l’écran pour son confort visuel et le rehausser à la hauteur optimale en l’installant sur un porte-écran temporaire comme un dictionnaire.
Et si on doit travailler dans le salon?
« C’est possible, mais les mêmes principes s’appliquent. Au besoin, ajouter des coussins pour garder le dos droit. Éviter d’installer le portable directement sur les genoux, car il sera trop bas et instable. Il vaut mieux l’installer sur une surface stable comme une planche à découper », précise Monique Martin.
Revoir l’organisation de ses journées de travail
Au-delà du poste physique, Elyse Marois, spécialisée dans la réadaptation au travail et en santé mentale, souligne que le télétravail comporte aussi des enjeux au niveau de la santé mentale. « Votre nouveau bureau se trouve dans la cuisine, envahie par vos adolescents en poussée de croissance? Les pauses-café avec vos collègues ont été remplacées par la gestion des travaux scolaires du plus jeune? Comment rester productif et conserver un bon sentiment d’efficacité personnelle au travail lorsque tous vos repères ont changé? »
Voici ses recommandations pour organiser ses journées de travail afin de maintenir un bon sentiment d’efficacité personnelle au travail et diminuer la frustration en lien avec l’impression de « n’avoir rien fait » :
- Établir une liste des tâches à faire en début de journée ou à la fin de la journée précédente :
- S’assurer que cette liste soit réaliste et qu’elle tienne compte de son nouvel environnement.
- Réfléchir au meilleur moment de la journée pour accomplir chacune des tâches (ex : planifier ses rencontres en visioconférence pendant la sieste de sa petite dernière).
- Respecter son rythme naturel (ex : garder les tâches nécessitant le plus de concentration pour les moments durant lesquels on est le plus en forme cognitivement).
- Éliminer, dans la mesure du possible, toutes les distractions :
- Par exemple, en allouant une période quotidienne de réponse aux courriels. « On peut même ajouter une réponse automatique à ses courriels, expliquant que le message a bien été reçu, mais qu’il sera traité durant la période allouée. »
- Un autre exemple serait de mettre un petit écriteau sur la porte de son bureau ou devant son ordinateur pour signifier que nous ne sommes pas disponibles entre telle et telle heure. « Un geste qui peut aussi être intéressant pour les parents qui doivent jongler avec les enfants à la maison. »
- Prendre le temps de se familiariser avec nos nouveaux outils de travail. « Nous n’avons pas tous le même niveau de confort avec la technologie et acquérir ces nouvelles connaissances prend du temps et peut aussi être très stressant. »
Prendre des pauses régulièrement
« Même en situation idéale, le travail statique contribue aux troubles musculosquelettiques. Le télétravail accentue les risques en raison des compromis inévitables au niveau postural. L’introduction régulière des micro-pauses est donc nécessaire », indique Monique Martin.
Pour Elyse Marois, les pauses sont tout aussi nécessaires pour le bien-être mental. « Il faut être conscient que le travail intellectuel est demandant et peut aisément engendrer de la fatigue mentale. »
Les deux spécialistes s’entendent donc pour dire que chaque période de travail de 20-25 minutes devrait être suivie d’une pause de cinq minutes. Madame Marois recommande de respecter très sérieusement cet engagement envers soi-même, notamment en utilisant un chronomètre.
Le respect des périodes allouées spécifiquement au travail est d’autant plus important dans le contexte où la maison devient le lieu de travail et que ce dernier peut devenir très envahissant. « Il importe ainsi d’être capable de décrocher du travail en fermant, par exemple, son téléphone dans les moments de pause. C’est aussi un bon moyen pour éviter la procrastination qui s’alimente souvent de notre difficulté à distinguer clairement nos périodes de repos de celles de travail. »
Être indulgent
Envers les autres, mais surtout envers soi-même. « Les temps sont exceptionnels, nous nous devons de réviser nos attentes en termes de productivité, pour ne pas tomber dans la culpabilité et le sentiment d’être incompétent, inefficace », affirme madame Marois.
À cet effet, l’ergothérapeute conseille de ne pas sous-estimer l’impact des changements engendrés par cette situation et d’ouvrir le dialogue avec son employeur quant aux tâches attendues pour établir un terrain d’entente. Elle rappelle que la situation inédite implique de nombreux perturbateurs : enfants à la maison, nouveaux outils de travail, connexion Internet plus ou moins rapide, niveaux de stress élevés, etc.
« C’est important d’être satisfait de son travail. Et pour y arriver, il faut être flexible. »
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux