Inondations dévastatrices, feux de forêt ravageurs, épisodes caniculaires extrêmes : les preuves ne sont plus à faire que les changements climatiques sont bien réels.
Si on parle souvent des impacts des changements climatiques sur l’augmentation des catastrophes naturelles, la biodiversité et l’économie, plus rares sont les fois où leurs effets sur la santé mondiale sont abordés. Dans ces cas-ci, on parle alors de stress thermique, zoonoses, insécurité alimentaire, cancers, maladies pulmonaires, cardiaques et infectieuses.
Rappelons-nous l’été 2018 et ses vagues de chaleur qui ont coûté la vie à près de 90 personnes au Québec. Ou encore, les inondations du printemps dernier qui ont entraîné l’évacuation record de plus de 10 000 résidents québécois. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a souligné plus tôt cette année; les changements climatiques représentent une des plus grandes menaces pour la santé du XXIe siècle.
À l’approche de la grève mondiale pour le climat du 27 septembre prochain, la Faculté de médecine de l’Université de Montréal tient à joindre sa voix à celles des étudiants et des membres de sa communauté afin que l’on accorde une plus grande importance au climat dans les politiques gouvernementales et que la santé fasse également partie des discussions.
Pour des professionnels de la santé plus conscientisés
Depuis déjà quelques années, la docteure Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin-résidente en médecine familiale de l’Université de Montréal et responsable des relations médias du comité québécois de l’Association canadienne des médecins en environnement (ACME), s’implique pour faire reconnaître l’urgence que posent les changements climatiques sur la santé des populations du monde entier.
« Les professionnels de la santé ont un rôle essentiel à jouer dans le partage d’informations, affirme la docteure Pétrin-Desrosiers. Dire que les changements climatiques ne sont pas une affaire de santé, c’est se berner complètement. Dans les déterminants les plus importants de la santé, l’environnement y figure, ce que nous mangeons, où nous vivons, où nous grandissons, etc. Et toutes ces composantes sont influencées par les changements climatiques. »
Le mois dernier, elle a participé au lancement du mouvement de mobilisation « La planète s’invite en santé », une branche du collectif citoyen « La planète s’invite au Parlement ». Cette campagne cherche à faire du bruit quant au « code bleu » que vit actuellement la planète, en plus d’inviter la population québécoise à la marche du 27 septembre et de sensibiliser sur la santé environnementale par le biais de conférences et d’ateliers.
Selon la docteure Pétrin-Desrosiers, s’informer des effets des changements climatiques sur la santé et des maladies associées pourrait avoir un impact bénéfique sur la recherche et sur la production d’évidences scientifiques nécessaires à l’appui des politiques gouvernementales. « Si les chercheurs en santé étaient plus sensibilisés, ils verraient davantage les opportunités de recherche. Par exemple, un cardiologue pourrait étudier l’impact de la chaleur sur la mortalité, un urgentologue pourrait étudier l’influence des vagues de chaleur sur l’utilisation des services à l’urgence, etc. En documentant et en générant des données probantes, nous serions en mesure de mettre sur pied des politiques qui répondent concrètement aux besoins. »
Monsieur Daniel Gagnon, chercheur au Centre ÉPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal et professeur sous octroi adjoint au Département de pharmacologie et physiologie, est un exemple de cette sensibilisation. Conscient que les changements climatiques augmentent la fréquence, la durée et l’intensité des périodes caniculaires extrêmes, il mène des projets de recherche sur les effets de la chaleur sur le corps humain et sur les façons d’améliorer le bien-être et la santé de la population lors de telles périodes.
Sur le plan de la pratique clinique, une conscientisation accrue permet aux professionnels de la santé d’adapter leurs soins et leurs diagnostics de manière à intégrer des composantes liées au climat. À ce sujet, la Société canadienne de pédiatrie (SCP) publiait le mois dernier un communiqué invitant les dispensateurs de soins à donner des conseils préventifs sur la hausse des températures, les événements climatiques et la prévention des infections et à s’assurer de comprendre et de surveiller les prévisions en matière de concentrations de pollen, de qualité de l’air et d’indices UV.
Des conséquences étendues
Les changements climatiques modulent la santé de multiples façons, parfois évidentes (émergence de nouvelles zoonoses, augmentation des allergènes, exacerbation des problèmes cardiorespiratoires), mais aussi de manières moins manifestes. C’est le cas pour les problèmes de santé mentale qui y sont associés, comme les troubles de stress post-traumatique (notamment après un événement météorologique extrême), l’accroissement des événements psychotiques causés par la chaleur, l’angoisse climatique et la solastalgie.
Ce dernier terme désigne un « mal du pays », une sorte de détresse psychologique causée par des changements irrémédiables de son environnement. Cette expérience de se sentir étranger chez soi affecte particulièrement les populations qui vivent en communion avec leur environnement, comme les peuples autochtones. « C’est comme être en deuil de son milieu de vie parce qu’il change tellement qu’on finit par ne plus le reconnaître et pouvoir s’y identifier, explique la docteure Pétrin-Desrosiers. Quand ton identité est basée sur ton territoire et que ton territoire est modifié à tout jamais, comment te définis-tu? »
La Faculté de médecine s’implique
La Faculté de médecine a à cœur de s’engager et de se mobiliser pour un Québec plus sain, pour des soins de qualité aux patients et pour des services adaptés à leurs besoins. C’est pourquoi la faculté évalue actuellement la possibilité d’intégrer à la formation médicale davantage de connaissances en santé environnementale.
« Notre responsabilité sociale nous incite à réorienter nos priorités en éducation, en recherche et en services pour répondre aux besoins de la population : dans ce cadre, l’intégration des changements climatiques est l’un des objectifs à concrétiser pour les prochaines années, précise la docteure Hélène Boisjoly, doyenne de la Faculté de médecine. Nos futurs professionnels développeront ainsi des compétences et des connaissances essentielles pour la pratique clinique et un rôle de santé publique dans un monde en pleine mutation climatique. »
La vocation sociale inhérente à la médecine est d’autant plus vraie considérant que les changements climatiques affectent tout particulièrement la santé des populations vulnérables, notamment les enfants, les aînés, les gens à faible revenu et les Autochtones.
Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux