Le Département de nutrition, par le biais de la formation continue NUTRIUM, a offert un regard multidisciplinaire sur le nouveau Guide alimentaire canadien, afin d’outiller les professionnels de la santé à adapter leur pratique à cette nouvelle ressource.
Intitulée « Enjeux sociopolitiques en nutrition : le nouveau Guide alimentaire canadien rebrasse-t-il les cartes? », la plus récente journée de formation continue du département a donné une tribune à une pluralité de domaines, notamment l’anthropologie, la politique, le marketing et la sociologie.
Ensemble, les conférenciers ont proposé une vision plus globale de la nutrition et de la mouture 2019 du Guide alimentaire canadien, version qui ne s’attarde pas uniquement au contenu de l’assiette, mais également aux comportements alimentaires et aux habitudes de vie.
Un regard anthropologique
Serge Bouchard, anthropologue, communicateur aguerri et écrivain de renom, a ouvert la journée en apportant une perspective historique et sociétale du nouveau Guide alimentaire canadien.
En grand observateur sensible, monsieur Bouchard a tout d’abord relaté l’évolution de l’alimentation, de la préhistoire à l’époque contemporaine, afin d’illustrer que « l’assiette présentée dans le nouveau Guide alimentaire est la somme de l’histoire de l’humanité ». En retraçant les changements historiques, il a démontré que « l’alimentation est une construction sociale et culturelle ».
« Le nouveau Guide alimentaire invite à revenir aux bases, à manger frais, local et ensemble. Des valeurs qui se sont graduellement perdues avec la mondialisation, la bouffe industrielle et la société orientée vers une sorte de solitude », a-t-il conclu.
Julie St-Pierre, anthropologue et conseillère spécialisée en éthique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), a également soulevé des enjeux éthiques liés aux propositions du Guide.
Elle a notamment fait la lumière sur la recommandation suivante du Guide : « Prenez vos repas en bonne compagnie ». À ses yeux, cette dimension sociale des repas quotidiens peut engendrer de la stigmatisation, car manger seul est un choix ou non; la compagnie d’autrui peut être anxiogène ou, inversement, la solitude dépasse parfois la volonté des individus.
« Les habitudes alimentaires sont liées à des préférences et des choix individuels, a expliqué madame St-Pierre. Il faut éviter la culpabilité autour de l’acte de manger, puisque tous les individus ne sont pas égaux en termes de besoins de socialisation. Certains vivent de l’anxiété sociale et d’autres souffrent de l’isolement. Il faut réduire le plus possible la pression à socialiser. »
Perspective sociale
Geneviève Mercille, professeure adjointe au Département de nutrition de l’Université de Montréal, a brossé un portrait de l’insécurité alimentaire au Québec et au Canada selon une perspective de santé publique.
Son intervention a permis de dresser de manière critique les impacts possibles des recommandations du nouveau Guide auprès des populations vulnérables. « Manger sainement coûte plus cher, c’est un fait, a-t-elle indiqué. Les régimes alimentaires de moins bonne qualité sont moins onéreux. »
Selon la professeure, la recommandation « Mangez sainement tout en respectant votre budget » pose potentiellement problème pour les populations démunies. « Analyser l’alimentation des personnes en situation de pauvreté sans prendre en considération le contexte dans lequel elle s’insère est une intervention inefficace. Par exemple, pour certains, manger des aliments en conserve ou surgelés, donc potentiellement ultra transformés, répond à plusieurs besoins et menaces, comme la hantise de gaspiller de la nourriture. »
Madame Mercille a expliqué comment les populations plus démunies ont très souvent un accès limité aux ressources et peu d’opportunités pour améliorer leurs conditions de vie. Manger sainement n’est ainsi pas toujours une option, quand le budget est excessivement serré.
Un mot sur le marketing alimentaire
Isabelle Marquis, consultante en marketing alimentaire et santé, a profité de la tribune pour mettre en lumière les dangers du marketing alimentaire autant que les bons coups de l’industrie. Cette portion de la formation visait à outiller les professionnels pour ensuite formuler des recommandations éclairées à leurs clients quant à leurs choix alimentaires.
Selon madame Marquis, les tactiques de marketing alimentaire sont un obstacle au travail des nutritionnistes quand « elles complexifient les messages, créent de la confusion ou une fausse impression positive et encouragent l’achat d’aliments à consommer avec modération ».
À ses yeux, le rôle des nutritionnistes est primordial pour démystifier les pièges de l’industrie, aider les clients à se familiariser avec l’étiquetage nutritionnel et prendre conscience des éléments qui influencent les achats.
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À propos de la formation continue NUTRIUM
Le Département de nutrition, par le biais de la formation continue NUTRIUM, organise et offre aux professionnels de la santé, notamment aux nutritionnistes en exercice, des séances de formation continue sur différents sujets d’actualité en nutrition et en alimentation pertinents pour la pratique professionnelle.
Les activités de formation sont données sur le campus de l’Université de Montréal par des conférenciers experts et peuvent être suivies sur place ou à distance par visioconférence ou en webdiffusion.
La prochaine formation NUTRIUM, se tenant le 25 octobre prochain, sera axée sur les enjeux environnementaux reliés à la nutrition, un thème d’importance capitale aux yeux du Département de nutrition.
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Rédaction : Béatrice St-Cyr-Leroux