Boxe et cancer de l’ovaire : même combat pour Anne-Marie Mes-Masson. La chercheuse au Centre de recherche du CHUM et professeure à l’Université de Montréal sort victorieuse du concours KNOCK OUTMC AmorChem 2016. L’équipe de chercheurs en cancer de l’ovaire qu’elle représente remporte ainsi une subvention de 500 000 $ pour poursuivre une recherche novatrice dans la lutte contre le cancer.
Inspiré de la populaire série télévisée Dans l’œil du dragon, le concours KNOCK OUTMC met en compétition des chercheurs en sciences de la vie d’universités de partout au pays, qui doivent présenter un projet de recherche ayant un potentiel commercial susceptible de générer des retombées bénéfiques pour la santé.
La finale de l’événement organisé par le fonds de capital-risque AmorChem et la firme en capital-risque en santé et sciences de la vie Lumira Capital a eu lieu à Montréal le 2 juin dernier. Cinq équipes sont montées dans le ring pour défendre leur projet, dont deux équipes du CRCHUM : le tandem Sophie Lerouge et Réjean Lapointe, pour leur biogel contre le cancer, ainsi que l’équipe d’Anne-Marie Mes-Masson, qui développe une nouvelle approche afin de cibler les cellules cancéreuses dans le cancer de l’ovaire, applicable potentiellement à d’autres cancers.
Le projet d’Anne-Marie Mes-Masson a séduit le panel de dragons, formé d’éminents scientifiques de l’industrie pharmaceutique. « Nous voulons développer une nouvelle classe de médicaments contre le cancer. Il n’existe rien de similaire sur le marché, c’est une approche unique et je pense que c’est pour ça que nous avons gagné », lance la chercheuse.
Un talon d’Achille contre le cancer
La plupart des médicaments anticancéreux utilisés actuellement en chimiothérapie fonctionnent en endommageant les cellules cancéreuses, qui se développent et se divisent plus rapidement que les cellules saines. Mais la chimiothérapie entraîne aussi des effets toxiques sur les cellules normales, d’où la perte de cheveux et la baisse des défenses immunitaires.
L’équipe formée d’Anne-Marie Mes-Masson, de la Dre Diane Provencher, chercheuse et gynécologue-oncologue au CHUM, ainsi que de Jian Hui Wu, chimiste, chercheur à l’Institut Lady Davis de recherches médicales de l’Hôpital général juif et professeur à l’Université McGill, a mis au jour une nouvelle faille des cellules cancéreuses. « Grâce à une banque de tissus provenant de femmes atteintes de cancer de l’ovaire et de lignées cellulaires, nous avons mené des analyses de génome qui ont montré que les cellules cancéreuses réagissent différemment à une protéine qu’on appelle Ran-GTPase. Lorsqu’on inhibe cette petite protéine dans les cellules cancéreuses, elles meurent rapidement, alors que la manipulation a très peu d’effet dans les cellules normales », affirme Anne-Marie Mes-Masson, également directrice scientifique de l’Institut du cancer de Montréal.
Découverte clé de l’équipe : ce phénomène s’explique par le fait que la grande majorité des cellules cancéreuses sont aneuploïdes, c’est-à-dire qu’elles présentent un nombre anormal de chromosomes. Une cellule normale humaine comporte 46 chromosomes, alors qu’une cellule aneuploïde en contient un nombre différent. « Les cellules qui n’ont pas le nombre normal de chromosomes ont une dépendance accrue à la protéine Ran-GTPase. C’est le talon d’Achille d’une grande partie des cellules cancéreuses : elles dépendent de cette protéine, et si on réussit à la bloquer, elles meurent. »
Il ne reste plus qu’à trouver un inhibiteur capable de bloquer Ran-GTPase. À McGill, le professeur Jian Hui Wu a testé virtuellement une librairie de 250 000 molécules, pour en sélectionner 40 qui ont été évaluées en laboratoire. Deux molécules, N26 et V188, semblent lier spécifiquement Ran et tuent les cellules tumorales in vitro sans affecter les cellules normales.
La subvention gagnée au concours Knock Out va permettre de continuer le développement de dérivés de ces molécules et de les tester chez la souris, pour vérifier leur efficacité à tuer des tumeurs en cancer de l’ovaire.
Selon la Société canadienne du cancer, environ 2 800 femmes au pays recevront un diagnostic de cancer de l’ovaire cette année et environ 1 700 en mourront. Anne-Marie Mes-Masson souhaite littéralement mettre le cancer de l’ovaire KO avec cette approche novatrice. « On espère que nos recherches vont déboucher sur un nouveau médicament pour les patientes affectées par le cancer de l’ovaire d’ici 15 ans. Si tout fonctionne comme prévu, ce futur médicament pourrait être utile également pour d’autres cancers où il y a un nombre anormal de chromosomes, comme certains cancers difficiles à traiter comme le cancer du pancréas, le cancer du sein triple-négatif et le cancer du poumon », dit-elle.
Institut du cancer de Montréal
Pour en savoir plus sur le cancer de l’ovaire
Source : Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM)