Même âgé et atteint depuis longtemps, le cerveau d’une personne aphasique peut améliorer ses capacités, et maintenir ces acquis dans le temps, selon une étude de la Dre Ana Inés Ansaldo, Ph. D., chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) et professeure au Département d’orthophonie et d’audiologie de la Faculté de médecine de l’UdeM. L’étude est publiée dans la revue Brain and Language.
Au bout de six semaines d’une thérapie du langage intensive et spécifique, les personnes âgées aphasiques, en plus d’améliorer leur capacité à nommer les objets, ont démontré un meilleur potentiel cognitif. «Les données de la neuroimagerie fonctionnelle recueillies lors de cette étude montrent que la thérapie du langage stimule le cerveau à utiliser des circuits alternatifs. Ces derniers demeurent actifs après la thérapie et peuvent être utilisés pour récupérer des mots supplémentaires. Six mois plus tard, les performances étaient équivalentes et les proches nous disaient voir encore des améliorations», se réjouit la Dre Ansaldo.
Cet entraînement sollicite non seulement le circuit traitant le langage, mais aussi un autre circuit important : le réseau du mode par défaut. Ce dernier soutient l’activité du cerveau quand il est «en veille», et que la personne n’effectue aucune tâche particulière. Pour la première fois, cette étude a décrit l’activité de ce réseau chez des personnes aphasiques, mettant de l’avant des irrégularités. Un fonctionnement anormal du réseau par défaut est indice de difficultés cognitives, telles que des troubles de l’attention ou de la mémoire épisodique. Les résultats ont montré que l’activité du mode par défaut des sujets atteints d’aphasie avait rejoint celle des sujets sains après la thérapie.
« Cette étude est encourageante pour les personnes âgées atteintes d’aphasie depuis plusieurs années, qui souvent ne reçoivent plus de thérapie. Elle démontre que la thérapie du langage a des effets positifs non seulement sur le langage, mais sur la cognition en général, car elle agit sur le réseau du mode par défaut. Je souhaite que ces résultats soient considérés dans la prise en charge des personnes âgées souffrant de troubles du langage, et que l’on tienne compte de l’importance de leur offrir une stimulation intensive, spécifique et concentrée dans le temps. Cela donne des résultats très prometteurs, même longtemps après le diagnostic », conclut la Dre Ansaldo.
Résumé de la recherche
Les recherches précédentes sur les sujets atteints d’aphasie se sont basées pour la plupart sur l’analyse standard de la neuroimagerie fonctionnelle. Les études récentes ont démontré que l’analyse de la connectivité fonctionnelle permet de détecter une activité compensatoire qui n’est pas décelée par une analyse standard. Toutefois, on connaît très peu les mécanismes du réseau du mode par défaut lorsqu’il s’agit de l’aphasie. Dans le cadre de cette étude, les auteurs se sont penchés sur les changements dans le réseau du mode par défaut chez les sujets aphasiques qui ont suivi une thérapie concernant l’analyse en traits sémantiques. Ils ont étudié neuf sujets atteints d’aphasie chronique et les ont comparés à dix sujets témoins. Pour la première fois, les chercheurs ont été en mesure d’identifier le réseau du mode par défaut chez des personnes atteintes d’aphasie, et ce en utilisant une analyse en composantes principales spatiales. La thérapie intensive a amélioré l’intégration des régions postérieures du réseau du mode par défaut parallèlement à une amélioration du langage. Des corrélations entre l’intégration cérébrale et l’amélioration linguistique n’étaient pas signifiantes statistiquement, mais la tendance suggère que l’intégration du réseau du mode par défaut préalable à la thérapie peut prédire les résultats d’un traitement. La connectivité fonctionnelle permet donc une meilleure compréhension de l’impact de l’analyse en traits sémantiques chez les sujets aphasiques.
À propos de l’auteure
Dre Ana Inés Ansaldo, Ph. D. Sciences Biomédicales – Orthophonie
Chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM)
Directrice du Laboratoire de plasticité cérébrale, communication et vieillissement
Directrice de l’enseignement à l’IUGM
Professeure au Département d’orthophonie et d’audiologie, Faculté de médecine, Université de Montréal
Référence
Marcotte K, Perlbarg V, Marrelec G, Benali H, Ansaldo AI. “Default-mode network functional connectivity in aphasia: Therapy-induced neuroplasticity”, Brain and Language Journal, 26 décembre 2012.
L’IUGM en bref
L’IUGM dispose de 452 lits de courte et de longue durée et d’un centre ambulatoire, comprenant notamment l’une des rares cliniques existantes à travers le monde de gestion de la douleur chronique spécialisée chez les aînés. Il est le chef de file au Québec dans les pratiques cliniques, les soins spécialisés, la promotion de la santé et le développement des connaissances sur le vieillissement et la santé des personnes âgées. L’IUGM, c’est quelque 1 300 employés, médecins, chercheurs et bénévoles, tous spécialisés dans les soins et les services aux personnes âgées. Notre Centre de recherche est reconnu comme le plus grand de la francophonie dans le domaine du vieillissement. Membre du grand réseau d’excellence en santé de l’Université de Montréal, l’IUGM accueille chaque année des centaines d’étudiants, stagiaires et chercheurs du domaine du vieillissement et de la santé des personnes âgées.
Une copie de l’étude complète peut être envoyée sur demande aux représentants des médias.
Information
Geneviève Desrosiers/Frédérique Laurier
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